Le pèlerinage

Quel que soit le ou les bois que vous aurez voulu choisir,
la poignée de votre bourdon sera dévissable. 
 
A l’intérieur du fût, sera un petit flacon de verre…
En partance de chez vous, placez-y un peu de terre,
ramassée devant votre porte ou en un lieu qui vous est cher.
Devant la première église marquant le début de votre pèlerinage,
en passant Roncevaux ou devant tout site qui vous semblerait très beau, ajoutez lui une nouvelle pincée de terre.
En arrivant à Saint Jacques de Galice, complétez en le contenu
de trois pincées et achevez de le remplir.
 
Là n’était qu’un conseil…
D’autres y mettent un petit parchemin, ou des cheveux de leurs enfants, quoi d’autre encore ? 
Je ne leur ai pas demandé, c’est leur espace secret.
Au delà de la patine du temps, là sera le vrai contenu de votre Bourdon.
Bonne route, pèlerin de Saint Jacques !
Depuis le XIIe siècle, 
l’Europe est traversée par un vaste réseau de chemins conduisant en Galice.
 
Si trois routes principales se sont peu à peu dessinées,
il ne faut pas oublier que 
tout chemin de St Jacques commence sur votre pas de porte, 
rejoint une voie jacquaire, 
puis se termine sur le même pas de votre porte.
 
Quand la saint Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche,
c’est une année  jacquaire, ou « année jubilaire de Saint Jacques ».
La première année jacquaire historiquement attestée est 1428 ; cette tradition a été relancée en 1965. L’événement se reproduit tous les 6, 5, 6 et 11 ans : 2010, 2021, 2027, 2032, 2038, 2049…
 
Une silhouette de légende
 
La silhouette légendaire du pèlerin médiéval nous est familière : 
manteau long, bourdon, besace au côté, grand chapeau frappé de la coquille, cheveux et barbe en broussaille…
 
En fait, ce costume avait pour première fonction … l’anonymat.
 
Dans les anciens temps, pérégriner pouvait aussi être une peine pénale.
Qui se cache sous cette défroque ? Est-il un puissant, ou un pauvre quidam ?
S’agit-il d’un dévot, d’un criminel de la pire espèce ou d’un simple pêcheur ?
 
Qu’importe ! C’est un jacquet, et c’est tout ce qui compte !
 
Pourquoi partaient-ils ?
 
En règle générale, pèlerinage est synonyme de Rédemption : cela signifie qu’il permet de gagner une rémission de jours de Purgatoire, 
l’effacement de tous les péchés lors des années jacquaires.
 
Ceci étant dit, mille pèlerins, ce sont autant de raisons de pérégriner !
 
Ils partaient pour obtenir la rémission de certains péchés, bénins ou inavouables, pour implorer ou remercier, pour la guérison d’un proche, pour respecter un vœu, formulé sur un champ de bataille, au chevet d’un malade ou porté sur le testament d’un père, pour avoir été sauvé d’un naufrage en mer ou sorti vivant de quelque maladie… 
Ils partaient pour implorer la fin d’une sécheresse ou d’une épidémie de peste. Ceux-là marchaient pour remercier ou obtenir une grâce. 
 
Tel autre a mangé du bœuf un jour de carême, celui là fit œuvre de chair un Vendredi Saint ! Ce seigneur a pillé une abbaye, cette jeune femme s’est prostituée, ces deux ivrognes assassinèrent un compagnon sous l’emprise du vin … Ceux-là marchaient pour expier !
 
Nos deux assassins sont enchaînés l’un à l’autre ; le maillon qui relie leurs pieds a été forgé dans la lame qui servit au crime ; Dieu décidera de la fin de leur peine lorsque l’usure les aura libérés ! 
En signe de pénitence, certains effectuent le voyage nu-pieds, 
d’autres en portant de plus ou moins lourdes croix.
 
Il fut aussi des gens aisés, qui rémunéraient de véritables « professionnels de la pérégrination » afin qu’ils accomplissent le pèlerinage à leur place !
Ce sont des « quéreurs de pardons ».
 
La loi prévoyant que les biens d’une personne endettée ne pouvant être saisie pendant l’accomplissement d’un pèlerinage, celui-ci marche … 
pour préserver sa famille d’une saisie pour dettes.
Il y a aussi ces marchands et ces artisans ; ils ont ajouté une dimension commerciale à leur démarche spirituelle. 
Les chemins de Saint-Jacques étaient aussi les chemins du savoir, une véritable porosité entre l’Université de Cordoue et le reste de l’Europe.
 
Pour les plus miséreux, les fameux « faux jacquets », leur défroque était un déguisement leur permettant de profiter de la charité de leurs semblables.
A cette époque, donner à un pèlerin était aussi synonyme de Rédemption.
 
Le statut de Pèlerin
 
En prenant le bourdon, notre homme est devenu un pèlerin. Là est peut-être le tout premier statut à caractère Européen !
Les frontières lui sont ouvertes, seigneurs et chevaliers lui doivent protection, abbayes et hospices ont devoir de l’assister en fonction de leurs moyens. 
En théorie, pas toujours vérifié dans la pratique, tout chrétien lui doit assistance.
Pendant son absence, ses biens sont devenus insaisissables !
Ce statut, accepté par l’ensemble des Couronnes et garanti par l’Eglise,
peut être considéré comme prémices du droit européen !
 
Un engagement formel.
 
Celui qui décide d’effectuer un pèlerinage s’engage de façon solennelle et irréversible. Seul le Pape peut le relever de son engagement.
Si la mort ou la maladie empêchent son voyage,  son vœu sera transmissible à ses héritiers ; ils devront s’en acquitter pour toucher leur héritage.
 Seuls les pèlerinages imposés sont rachetables : cela signifie qu’une somme d’argent ou une donation, en rapport avec la « fortune » du contrevenant, peuvent venir se substituer à la peine !
 
Le départ
 
Un bon bourdon, une besace, renfermant l’écrit du curé, un patenôtre, des brodequins ou des sandales, un manteau de bonne laine … 
Un peu d’argent, lorsque faire se peut …
Pour plus de sécurité, cet argent était souvent cousu dans les doublures des habits, mais passons outre cette image toute faite de jacquets miséreux !
Lorsque les puissants partaient en pèlerinage, c’était à cheval ou en attelage, sous forte escorte, hommes d’armes, mesnie et serviteurs, 
ainsi que l’ensemble du bagage nécessaire à leur rang.
 
Devant les dangers de la route, certains prennent la précaution de se confesser, mais l’usage de la confession, dans son sens actuel et chez les laïcs, n’est guère antérieur au XIIIe siècle ; les confessionnaux datent que du XVIe.
 
Les plus prévoyants prennent leurs dispositions testamentaires.
 
Notre jacquet fait ses adieux et s’en va rejoindre un groupe de ses semblables.
 
 
Leur cri de ralliement traditionnel sera :
E ultreïa ! E sus eia ! Deus aïa nos !
Plus loin en avant ! Et sus ! Dieu nous aide !