Le Bourdon
Nos Bourdons sont fabriqués dans le respect de la tradition.
Des bois nobles, coupés en morte sève et lune descendante, séchés trois ans, souvent beaucoup plus, à l’ombre d’une remise, tournés à la main, nourris d’huile de lin (à l’adoubement, les robes de chevaliers étaient de toile de lin),
et enfin polis à la cire d’abeille, que les anciens nommaient « perfection » .
Ce sont de beaux objets, mais qui pourtant sont loin d’être achevés.
Ce qui fera la véritable valeur de votre bourdon, ce sera la marche,
l’usure de votre main, la pluie et le soleil, la patine du temps.
Si vous allez et revenez de Saint Jacques en Galice,
ou en tout autre pèlerinage,
vous et vous seul en saurez la vraie valeur.
Dans les temps anciens,
les jacquets faisaient bénir leurs bourdons avant de quitter leur paroisse.
Longtemps après leur retour sous leur toit,
ils se faisaient mettre en terre avec.
Au Moyen âge, il n’y avait pas de pèlerin sans « Bourdon » !
Depuis le XII siècle, l’Europe est traversée de tout un réseau de chemins convergents vers Compostelle, jusqu’à la Tombe de l’Apôtre Jacques.
Au Moyen-âge, les voies jacquaires étaient non seulement
des chemins de rédemption et de progression spirituelle,
mais aussi de très importants vecteurs culturels et économiques.
C’est par ces chemins que, par exemple, l’immense savoir de l’Université de Cordoue fut largement diffusé à travers toute l’Europe du Nord.
Aujourd’hui, après des siècles d’oubli, les Chemins sont à nouveau parcourus,
chaque année, par des milliers et des milliers de marcheurs européens, canadiens, australiens, même coréens et japonais.
En ce début de millénaire, le phénomène compostellien
donne raison à la pensée de Malraux :
» Le vingtième et unième siècle sera mystique ou ne sera pas « .
Tous ceux, croyants ou non croyants,
qui s’engagent aujourd’hui sur les chemins des jacquets,
sont le témoignage vivant de cette affirmation.
Initialement, c’est à dire il y a déjà plus de quinze ans,
Jean-François s’est engagé dans cette aventure avec Charles-Henri Ravanne.
Cet ancien artisan vouant maintenant sa vie à l’art pictural, il a décidé de passer le flambeau à d’autres mains, en l’occurrence celles de Daniel Ruitz, qui a hélas quitté trop vite ce monde.
Son atelier était installé rue de la Citadelle, la plus ancienne rue de Saint-Jean-Pied-de-Port, dans une maison médiévale dont la devanture vit passer des millions et des millions de pèlerins. La « Capitale de la Basse Navarre » étant le passage obligé des pèlerins engagés sur « El Camino Frances » ; pouvait-on rêver meilleure implantation, pour y implanter le seul et unique atelier de « bourdonnier » des temps modernes ?
Avant de partir, Daniel a transmis son savoir et ses outils à Jonathan Vergé.
Animé par la volonté de créer, par le contact et l’odeur du bois et de la cire d’abeille, élevés dans le respect de la Tradition et du travail bien fait,
Jonathan et Jean-François ne pouvaient que se lier d’amitié.
Fabriquer un Bourdon sur mesure est un acte !
A l’évidence, notre époque éprouve le besoin de retrouver certaines valeurs.
Face aux problèmes d’identité de ce début de millénaire,
nous avons estimé qu’il était urgent de rendre sa noblesse au mot « Artisan ».
Pour les artisans d’art, fabriquer un bel objet,
c’est donner autant de plaisir à ses créateurs qu’à son futur propriétaire.
Il faut dire que le Bourdon répondait à une réelle demande :
Au Moyen-âge, tout pèlerin se devait de posséder son Bourdon ; en ce début de millénaire, tous ceux qui s’engagent sur le Chemin de la Galice sont très majoritairement animés de la volonté de s’inscrire dans cette même tradition.
Le mot « marcheur » peut d’ailleurs remplacer celui de « pèlerin » car,
Le mot « marcheur » peut d’ailleurs remplacer celui de « pèlerin » car,
de nos jours, tous ceux qui se rendent en Galice ne sont plus systématiquement animés par une démarche religieuse. Croyants ou non croyants, tous ont en cependant en commun de souhaiter posséder cet attribut mythique,
afin de s’intégrer dans une immémoriale Histoire.
Un bourdon, c’est tout à la fois un objet utilitaire,
un symbole immémorial et une œuvre d’art.
Une anecdote est à l’origine de sa « renaissance »
Un jour, Jean-François a assisté à l’arrivée de jacquets devant la très belle chapelle romane de l’Hôpital-Saint-Blaise.
« Ces marcheurs incarnaient le souvenir de tous leurs pairs depuis le XII siècle ; l’image était chargée de sens… mais à y mieux regarder, ils s’appuyaient sur des bâtons de ski en carbone-kevlar ! Je n’ai rien contre un matériau qui représente l’une des pointes du progrès technologique, mais devant une chapelle romane… vous admettrez de penser que c’était incongru !
C’est à ce moment précis, que me vint l’idée de relancer cette tradition perdue. »
Chaque fois qu’un Bourdon quitte notre atelier,
c’est une image de rêve qui part sur les chemins.
Un ensemble de symboles
Nous pouvions fabriquer des bourdons dans des bois précieux,
mais cette idée allait à l’encontre de toute notion d’humilité.
Celui qui choisira un bourdon de chêne saura qu’il a été coupé en Pays Basque, sur cette terre qui est le passage obligé de toutes les routes des Jacquets.
Le chêne est force, sagesse et hospitalité, il représente la puissance et la longévité.
C’est aussi sous un chêne que Saint Louis rendait la Justice.
Si le Frêne lui est préféré , sachez qu’il était solidité et puissance chez les grecs, immortalité dans la tradition scandinave. C’est parce que ce bois sait rester rigoureusement droit, que l’on en faisait les hampes de lance des chevaliers.
Au Moyen Age,
le mot désignait aussi la lance elle même.
Si la pomme du bourdon est choisie d’Olivier, il faut savoir que cet arbre est particulièrement chargé de symbolique. Son huile alimente les lampes, c’est à dire la lumière de la connaissance. Parce que la colombe en apporta un rameau à Noé, il est aussi symbole de Paix. Jésus a prêché sur le Mont des Oliviers et, selon une antique légende, la branche horizontale de la Croix était aussi de ce bois. Certains auteurs prétendent que la porte du Temple de Salomon était aussi de « bois d’olivier doré »…
Le Buis est fermeté et persévérance. S’il est utilisé au jour des Rameaux, c’est parce que, toujours vert, il est symbole d’immortalité. Très lent de pousse, il incarne aussi la patience. Son grain étant aussi fin que celui de l’ivoire, nos pairs en faisaient des patenôtres (chapelets). Hélas, il est aujourd’hui menacé et risque fort de devenir un bois très rare !
Nos bourdons portent (presque toujours car certains puristes estiment avoir seulement le droit de la porter au retour) une coquille d’argent.
La coquille est le symbole des jacquets, l’argent celui de la pureté ;
c’est donc la couleur du Baptême.
Le plus souvent, le pèlerin nous demandent aussi de lui sculpter au ciseau ses initiales, une date ou une devise, régionale, jacquaire ou de famille.
D’autres préfèrent un blason ou des pièces héraldiques :
fleurs de lys de France, hermines de Bretagne,
Lauburu (croix basques) ou occitanes, ( …).
Si telle est votre intention, ne le surchargez surtout pas trop,
souvenez-vous que sa beauté réside en son dépouillement !
Ainsi que l’exige la tradition, leur base porte une pointe d’acier forgé.
Cinq modèles de base ont été définis. Il s’agit de «Vézelay » et «Arles », deux points de départ majeurs des Chemins de Saint Jacques, le «Chartres », étape incontournable et « Ostabat » , charmant village navarrais qui représente, une étape avant saint Jean Pied de Port, le dernier né est breton, il ne pouvait s’appeler que Tro Breizh ! Trugarez !
“Des choses nécessaires, il faut être garnide bourdon, de mallette, aussi d’un grand chapeau,et contre la tempête avoir un bon manteau, (…)”
(Chanson de route du Moyen Age)
Une belle aventure humaine
L’idée de recréer cet objet revient à Jean-François Demange.
Historiographe et conseiller historique pour le cinéma, il est aujourd’hui concepteur en communication par l’événement, auteurs d’ouvrages historiques,
scénographie et concepteur d’expositions thématiques.
Son chemin a depuis longtemps croisé ceux de Saint Jacques.
Il y a plus de 30 ans, il écrivait et mettait en scène “La Mémoire du Temps”, grande fresque historique du Château de La Palice, en Bourbonnais.
Le personnage de la Mémoire du Temps appelait des « jacquets », surnom jadis donné aux pèlerins de Saint Jacques, à témoigner de leur « Grand Chemin » :
« Ceux-ci sont Pèlerins.Depuis toujours, ils marchent, sans même savoir très bien à quoi ressemble l’Absolu qu’ils poursuivent.Ils sont de Saint Jacques, de Rome ou de Jérusalem, ils marchent…Le bâton d’Espérance, ferré de Charité, revêtu de Constance, d’Amour,de Chasteté, avec pour seul bagage un écrit du Curé…Ils marchent… »
Dans les années 90, il revient dans ce Pays Basque qui lui parle si fort.
Il vit aujourd’hui en Basse Navarre, au pied d’une benoîterie,
sur le tracé du mythique Chemin.
Viscéralement attaché aux traditions et savoirs ancestraux,
il estime que l’une des responsabilités de notre époque consiste à préserver ces « humbles richesses », héritées des générations d’hier,
pour en transmettre la flamme aux générations futures.
C’est dans cet esprit qu’il a consacré des semaines de travail à la réalisation d’une grande exposition, « Le Grand Chemin« , qui est exposée dans la très belle « Prison des Evêques » de Saint-Jean Pied de Port depuis maintenant dix-huit ans.
En 2011, elle accueillait déjà sont 100 000 visiteur !
Le « secret » du Bourdon du Pèlerin !
Quel que soit le ou les bois choisis,
la poignée de votre bourdon sera dévissable.
A l’intérieur du fût, aura été dissimulé un petit flacon de verre …
En partance de chez lui, le pèlerin y placera un peu de terre,
ramassée devant sa porte ou en un lieu qui lui est cher ; ensuite,
il renouvellera son geste sur les lieux particulièrement marquants de son pèlerinage… dans le lit d’un torrent,
devant la porte d’un hôte ou bien au col de Roncevaux, (…).
Arrivant à Saint Jacques de Galice,
il en complétera le contenu de trois pincées…
puis achèvera de le remplir, dans son jardin ou bien devant l’église marquant son retour de pérégrination..
En inventant cette idée de flacon,
je ne pouvais me douter à quel point elle ferait…
j’allais dire « son chemin ».
Certains sites affirment que cette pratique existe depuis le moyen-âge, j’affirme ici que cela n’est pas vrai !
Certains y mettent des cheveux de leurs enfants,
d’autres une photographie ou le dessin de quelque symbole…
D’autres considérant que là étant leur secret,
ils refusent d’en dévoiler le contenu et ils ont bien raison !
Les Chemins de Saint-Jacques étant d’abord des espaces de liberté,
que chacun y trouve le droit de s’inventer sa propre symbolique !
Mais au delà du contenu de sa fiole, de la patine du temps
et de l’usure de sa pointe d’acier,
le vrai contenu symbolique du “Bourdon du Pèlerin” sera composé…
de souvenirs de la marche,
de visages d’amis rencontrés, de l’hospitalité de quelques uns,
d’admirables paysages et du souvenir de la fatigue d’un soir de pluie…
Parce que posséder un Bourdon est un acte,
le fabriquer sur mesure est un geste important !