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La dramaturgie
Tous les témoignages du temps s’accordent à souligner l’extrême paradoxe qui régnait sur les geôles révolutionnaires. La lecture de nombreux témoignages et mémoires du temps, permirent à l’auteur de dégager les comportements qui furent ceux des acteurs réels de cette tragédie.
Ces êtres, souvent habitués à l’insouciance que confère une position sociale aisée, se retrouvaient soudain chargés de prétextes de chefs d’inculpations frisant le ridicule, entassés dans des lieux sordides, livrés à des gens vulgaires et corrompus, humiliés, privés de l’hygiène la plus élémentaire, dans la puanteur de leurs excréments, qui plus est affamés et vivant dans la constante terreur d’une mort effroyable. Malgré cela, ils furent nombreux à parvenir jusqu’à l’échafaud, en s’accrochant à ce qu’ils considéraient comme leurs valeurs, voir à la « supériorité » de leur caste : dignité, politesse, courage, érudition et surtout, esprit.
Cette fervente volonté s’est, paradoxalement, matérialisée par une sorte de transmutation des pires geôles en véritables salons littéraires et philosophiques. Pour principale défense contre le désespoir, ces malheureux inventaient et réinventaient sans cesse des microcosmes de société mondaine, avec pour anachronique décor un cachot sombre et repoussant, pour seuls vêtements des hardes qu’ils ne pouvaient souvent pas nettoyer.
Dans ces théâtres de misère à huis clos, ils écrivaient ou récitaient des vers, se faisaient brosser des portraits destinés à leurs familles, d’autres brodaient, tous papotaient.
Autre paradoxe, ces prisons ne nourrissant pas leurs détenus, les plus aisés pouvaient commander leurs repas à des traiteurs extérieurs, mais ils étaient tenus de nourrir leurs plus démunis compagnons de cellule.
Dans le même temps, là n’est pas le moins surprenant, l’échéance de la mort créait en eux une libido et une libération des mœurs soudain exacerbées.
Ces éléments historiques viennent nourrir la dramaturgie théâtrale, en teintant leur détresse d’inattendues touches surréalistes.
L’extrême précision du verbe jadis utilisé par leur monde, les phrases ciselées de « l’esprit français », en ce temps largement de mise, servent avec bonheur le genre théâtral.
Les personnages
A peine la trentaine, jeune, fraîche, jolie, elle le sait, cette jeune femme ne vit que pour jouer et s’efforce de considérer que sa vie n’est qu’une mise en scène. Le verbe lui étant primordial, chacune de ses phrases est une réplique, qui souvent respecte le rythme de l’alexandrin. Coquette et proprette, sous les lumières ou dans l’ombre… que lui importe, puisqu’il lui suffit d’adapter son jeu à chaque nouveau personnage.
Ce personnage porte le nom d’une comédienne ayant existé. Arrêtée pour avoir repris un rôle jugé scandaleux, elle a effectivement été incarcérée à cette époque.
De son vrai nom Comtesse Bénédicte de Cafarelle-Jasmin, née
Chanteloupe de la Fauvière.
Cette jolie et très distinguée femme doit avoir entre cinquante et cinquante cinq ans. Elle porte une robe pour le matin, se change à midi et passe une robe du soir après cinq heures. Dans ce cloaque sordide, elle a engagé Pâquerette en qualité de lavandière et femme de chambre.
Dix huit ou vingt printemps, vive et intelligente, elle est accusée « d’avoir blanchi le linge d’une ci-devant et de ses rejetons ». Elle est douce, fraîche, insouciante et travailleuse, toujours prête à rendre quelque menu service… Son extrême intelligence ne tardera pas à la démarquer des habituels rôles de soubrettes.
Amoureuse de Paul Chaillou, elle deviendra folle, ou feindra de l’être, à l’idée de le perdre.
Environ cinquante ans, de stature charpentée. Ce comte d’ancienne noblesse, né en Bourbonnais et général de son état, est un homme de devoir aimant la France et la liberté. Pragmatique, sang froid, droiture… il est d’abord un officier. Il s’est battu aux côtés de Lafayette et Rochambeau en Amérique. En 1789, il était Favorable à l’instauration d’une Monarchie constitutionnelle ; c’est ainsi qu’il offrit tout naturellement son épée à la République pour défendre la Nation. Il été arrêté pour avoir fait acte d’autorité envers ses hommes et avoir réprimé leur lâcheté au feu.
Trente cinq ou quarante ans. Ce bel homme, aimable et élégant, est un « libertin de l’ancienne école ». Cet homme à femme a de l’esprit et affiche une attitude je-m’en-foutiste qui, au delà de la séduction, ne manquera pas parfois d’agacer. Son élocution saura racheter les défauts de ce séducteur.
Il aura une « aventure » avec la Comtesse.
Quarante, quarante cinq ans, belle prestance, homme de lettres et philosophe de noble naissance, très cultivé, fataliste à la Diderot. Il oscille sans cesse entre élévation d’esprit et caricature mondaine. Son caractère n’est pas tranché, il balance entre rigidité et décontraction, politesse et brusquerie. Il est d’abord un aristocrate, hors caricature outrée.
Caricature physique du marchand bourgeois, couperose de la soixantaine, gros ventre… Celui qui peut passer pour un vieux barbon, marchand de draps et usurier, s’avèrera être bien plus aimable qu’il n’y paraissait. Il est incarcéré pour avoir réclamé le recouvrement d’une dette à un marchand de vin, qui plus est déshonnête, mais subitement devenu Commissaire de la République ; ce pouvoir lui permettait de régler ses rancunes personnelles.
Il passe son temps à faire des comptes, à graisser la patte des geôliers et
à s’empiffrer…
En enlevant son masque, il révèlera un inattendu sens de l’autodérision.
22 / 25 ans, il a été jeté en prison pour avoir peint une miniature du petit Louis XVII. Peindre les traits désespérés d’un enfant malheureux, le thème étant tentant… Il peint des portraits miniatures pour les détenus qui veulent laisser une image souriante d’eux à leurs familles. Il peint pour s’acheter de quoi subsister, mais d’abord pour créer ; il espère en cela laisser un peu de beauté à la postérité. Ce naïf innocent tombera fou amoureux de Pâquerette.
Ce personnage est supposé être un maquignon, prétendument arrêté pour avoir vendu un beau cheval à un noble émigré. En fait, c’est un mouton, qui a été placé dans cette cellule pour perdre ses compagnons. Il sera démasqué par Gilbert qui, en vrai cavalier, n’aura guère de mal à discerner ses lacunes en matière d’équidés. Ses compagnons l’exécuteront dans sa cellule, en faisant croire à un suicide au poison.
Sans-culotte et gardien de prison, jeune homme non extrémiste, incapable de méchanceté et très serviable. Le geôlier et le directeur de prison se servent de lui pour soutirer de l’argent aux détenus sans s’exposer directement ; il leur rend aussi d’autres services, sans pour autant leur demander de rémunération, par seule besoin de compassion.
Il est la caricature du geôlier révolutionnaire, brutal, aigri, haineux, vulgaire et tyranneau, qui plus est sale, repoussant et toujours entre deux vins. Il insulte de façon ordurière, soutire de l’argent en toute occasion, se fait devoir, pour se réjouir de la peur crée sur les femmes, d’ouvrir et refermer la porte en faisant le maximum de bruit. C’est lui qui fait l’appel des condamnés, avec sadisme, à force d’insultes et en affichant son extrême satisfaction d’assister à leur désespérance.
Nous ne verrons à priori jamais l’Administrateur de cette prison, mais il est omniprésent.On le dit tordu, perverti, corrompu et faux, toujours prêt à entendre des délations…des dossiers sous le bras, notant tout…
« Derniers actes » implique un seul décor ; elle est facilement adaptable en version dramatique télévision.
Cette pièce a été déposée à la SACD sous le numéro # 208777