Jean-François Demange
Une belle aventure humaine
 
 L’idée de relancer cette tradition est née de la rencontre de
Jean-François Demange et Charles-Henri Ravanne.
Le premier est historiographe, le deuxième ébéniste.
 
Leur postulat était simple :
 
« Au Moyen-âge, il n’y avait pas de pèlerin sans bourdon. 
 
Même les jacquets anglais, 
qui souvent effectuaient leur pérégrination par bateau,
portaient cet attribut tout au long de la traversée.
 
Le Chemin de Saint-Jacques est devenu un phénomène social,
plus personne ne fabrique de bourdons, il faut relancer cette tradition ! »
 

Charles Ravannes
De nos jours,
les randonneurs soutiennent leur marche avec des cannes en carbone kevlar.
Là est leur droit le plus stricte, 
à ceci près que ces objets sont dénués de toute symbolique.
« Prendre son bourdon », expression passée dans le langage courant,
revient à s’inscrire dans l’immémoriale tradition jacquaire.
 
Jadis, ce simple et élégant objet permettait, d’un seul coup d’œil,
de reconnaître l’état de pèlerin.
 
Jadis, aujourd’hui encore mais dans une moindre mesure,
tout européen estimait avoir un devoir d’hospitalité
et assistance envers les jacquets.
 
Il fut même des malheureux, qui n’hésitèrent pas à s’affubler de bourdon,
pour tromper les « bonnes gens » et profiter de leur compassion.
 
Jadis ? Pas tout à fait !
Il y a quelques années, un personnage est arrivé à pied jusqu’à notre atelier,
qui voulait impérativement en repartir avec cet objet.
Mis en confiance, il a fini par nous « avouer » qu’il était SDF…
« Quand j’arrive dans un village en SDF, « on » m’envoie les gendarmes.
Avec mon bourdon, ils m’invitent chez eux !
J’ai économisé et ai déjà parcouru plus de 400 kilomètres pour arriver ici !
Moi j’ai compris, je suis pèlerin à vie ! »
 
Ce personnage était malade des bronches, cet hiver là était glacial 
et il dormait presque toujours dehors….
 
Un ami médecin a accepté de le soigner. 
Comme lui, nous avons refusé son argent, il a repris sa route avec un bourdon,
une paire de chaussures neuves et une veste chaude.
Il nous a quitté, en nous laissant l’étrange sentiment d’avoir rencontré
une variante moderne des faux jacquets du moyen-âge.
 
Jamais nous n’oublierons cet intemporel fantôme ;
s’il chemine toujours, ouvrez lui votre porte.
Les années passèrent, trente années déjà…
En 2007, Charles-Henri Ravanne, qui est artiste peintre,
a décidé d’aller vivre sous le ciel de l’Espagne.
 
« Je ne peux plus faire de Bourdons. On laisse tomber ? »
 
« Non. Bien sûr, fabriquer une petite centaine de bourdons par an,
cela ne permet pas de vivre,
mais cet objet permet surtout de rencontrer des gens hors du commun…
Et puis… A chaque fois qu’un bourdon quitte l’atelier,
c’est un morceau de rêve qui s’engage sur les routes et les chemins de l’Europe.
Puisque personne d’autre le fait, il faut continuer à le faire. »
 
Les mains de Daniel Ruitz, puis celles de Jonathan Vergé,
ont  remplacé celle de Charles-Henri.
Mais la gouge du sculpteur ne pouvant réaliser des dessins minuscules,
le professionnalisme de Jean-Philippe Arnedo est venu compléter notre collaboration.
 
Si vous passez près de St Jean Pied de Port, 
nous serons contents si vous passez nous dire bonjour,
mais tous nos bourdons étant faits sur mesures,
ne vous attendez pas à visiter une boutique de bourdons !
A Bustince-Iriberry, 
il vous sera seulement possible de sentir et toucher les essences de bois,
de vous choisir une poignée, un fût,
de définir la hauteur de votre futur compagnon de pérégrination.
 
Après, il vous faudra patienter un peu,
car un bourdon, c’est comme un pèlerinage,
il faut savoir le mériter.
 
Bonne route, sur notre modeste site pour commencer !
 
Jean-François Demange